Si la plupart des personnes âgées dépendantes font l'expérience d'entrer en EHPAD seul, certaines le font à deux. L'entrée en couple prendrait alors la fonction d'une alternative à la séparation. L'institution est alors amenée à accueillir deux sujets formant un couple, deux singularités fonctionnant par le prisme d'un tout nommé le couple. Et cela n'est pas chose aisée à penser pour les équipes, comme pour la psychologue. Les enjeux contre-transférentiels mobilisés interrogent le rapport du professionnel à la question du genre.
Dans le cadre de ma pratique de psychologue clinicienne, je suis amenée à rencontrer ces couples entrés ensemble en EHPAD. L'observation qui ne cesse de m'interpeller et que je souhaite mettre au travail pour cette communication est celle qui mobilise en moi la question de l'inégalité homme/femme dans le rapport aidant/aidé au sein du couple entrant ensemble en EHPAD. En effet, la configuration suivante semble faire modèle : lorsque l'aidant est un homme, l'institutionnalisation de l'aidée se pense en séparation du couple alors que lorsque l'aidante est une femme, l'institutionnalisation se fait pour le couple aidant/aidée même si l'autonomie de la femme ne relève pas d'une institutionnalisation.
Pour cette communication, je souhaiterai poser la problématique suivante : dans quelle mesure la question du genre éveille chez la clinicienne qui écoute un couple de personnes âgées une indisponibilité à maintenir une écoute thérapeutique forgée dans une neutralité bienveillante ? L'enjeu de cette communication sera de proposer des pistes d'analyse de la dimension contre-transférentielle permettant de se dégager d'une posture intellectuelle clivée par nos représentations empêchant la mise à disposition de notre appareil à penser les pensées via une écoute des mouvements psychiques à l'œuvre dans la relation aidant/aidé ?
En nous appuyant sur une vignette clinique, nous tâcherons d'analyser la dimension contre-transférentielle à l'œuvre au sein de l'espace d'écoute et d'identifier au regard des mécanismes de défense mobilisés alors les points aveugles du clinicien indisponible à l'écoute du couple.
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