Peut-on réellement évaluer le genre ? La réponse à cette question ne peut être binaire, elle est nuancée par un nombre illimité de facteurs dont le facteur subjectif et inter-individuel. Dans cette proposition de communication, nous allons nous pencher sur un cas clinique. Il s'agit de Madame R, âgée de 22 ans lors de la passation du Rorschach et du TAT. Elle est suivie au sein du service dans lequel je travaille en tant que psychologue clinicienne ; service spécialisé dans l'accompagnement des personnes qui se prostituent. Nous nous voyons en thérapie depuis bientôt 1 an. Ces deux tests projectifs ont été réalisés dans le cadre de la mise en place d'un dossier MDPH afin d'évaluer la place du trauma dans l'organisation psychique de Madame.
Madame R est une jeune femme trans qui n'a entamé aucune démarche administrative, hormonale ou chirurgicale. Physiquement, l'identité de Madame R pose la question de son genre : cheveux longs, maquillage, barbe de quelques jours, posture voûtée et habillée en jogging. Le travail thérapeutique avec cette patiente dévoile une vulnérabilité psychique (en lien avec un vécu de violences sexuelles) avec de fortes angoisses d'abandon mais aussi un retard du développement sur le plan intellectuel (QIT bien en dessous du QI moyen à la WAIS).
Elle se revendique femme, avec l'envie de réaliser des démarches d'affirmation de genre mais ne s'est jamais saisie des rendez-vous pris dans le passé. Cette passivité quant à sa transidentité, me pose déjà question à cet instant. Souhaite-t-elle réellement réaliser ces démarches ? Comment se positionne-t-elle sur le plan identitaire ? Est-ce un manque de volonté ou de motivation ? Quand est-il de la capacité de discernement ? Avec ces questions et la demande de la MDPH, j'ai alors réalisé les tests du Rorschach et du TAT. En collectant les données et en retranscrivant nos échanges, je m'aperçois que ces tests nous ouvrent d'autres pistes de questionnement sur le genre. Mes interrogations prennent sens grâce aux actes manqués, aux lapsus et à ses projections. L'idée de cet atelier est alors de discuter de la place du genre chez Madame R en apportant mes résultats et en les confrontant aux facteurs sociétaux et inter-individuels. Toute cette réflexion nous montre l'intérêt, la pertinence ou encore la nécessité de pouvoir s'appuyer sur des tests projectifs dans le cadre de la transidentité. Ainsi, psychanalyse et genre sont complémentaires et nous éclairent sur les processus inconscients de l'identité (sexuelle, sexuée, de genre, ...)
Bibliographie :
Chabert, C. (2018). Psychanalyse et méthodes projectives. Dunod.
Cristofari, S. (Réalisateur). (s. d.). Prise en charge de la transidentité [Diplôme universitaire].
Dhénain, M. (2022). Recommandations HAS. Has-santé. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-09/reco454_cadrage_trans_mel.pdf
Marchand, J. (2024). Le genre et la psychanalyse : un rendez-vous manqué ? Topique, n°160(1), 153‐170. https://doi.org/10.3917/top.160.0151
Mormont, C., Burdot, F. et Michel, A. (2006). Rorschach et identité sexuelle. Apports du Rorschach. Bulletin de psychologie, Numéro 482(2), 195-201. https://doi.org/10.3917/bupsy.482.0195.