Les violences liées à la cyberpédopornographie ont fait l'objet de nombreuses recherches et méta-analyses au niveau international (Le Bodic, 2019). En France, cette problématique n'a jamais été explorée de manière systématique, ni précisément à l'aune des méthodes projectives.

Les études projectives portant sur la problématique des violences sexuelles concernent des sujets auteurs de viol ou pédocriminel. Elles témoignent d'une grande diversité des organisations psychiques sous-jacentes (Chagnon, 2004), et de l'achoppement des processus de symbolisation, en particulier des pulsions sexuelles et de l'élaboration de la passivité et du féminin (Gourlaouën-Couton, 2002 ; Neau, 2013). Des fragilités, tant dans l'axe narcissique-identitaire, que dans l'axe objectal-identificatoire, sont observées : défaut d'intériorisation et de différenciations (des générations, des sexes), désordres dans l'aménagement du lien (Ravit, 2004; Hajbi et Loubeyre, 2011; Neau, 2013; Giuily & Verdon, 2018).

Actuellement, nous menons une recherche nationale et interdisciplinaire (psychopathologie, sociologie, droit) sur les auteurs de violences cyberpédopornographiques. Dans ce cadre, nous avons rencontré des participants majeurs, volontaires, condamnés pour des pratiques liées à la cyberpédopornographie. Le protocole de recherche comprend deux entretiens cliniques semi-directifs et la passation de tests projectifs, Rorschach et TAT, cotés et interprétés selon la méthode de l'Ecole Française. 

Nos premières observations vont dans le sens d'une hétérogénéité des modalités de fonctionnement psychique chez les auteurs de violences cyberpédopornographiques, et de l'expression abrasée du fantasme et de la relation à l'objet. Dans cette continuité, nous faisons l'hypothèse que le recours à l'image cyberpédopornographique serait une solution permettant de saisir au dehors, en surface, par le visuel, ce qui précisément ne peut pas se traiter au-dedans, psychiquement, ni même se vivre, s'agir (être agi) dans une position active : le sexuel, l'agressivité... soit la pulsionnalité. 

C'est cette logique du recours à l'image que nous nous proposons d'explorer lors de cette présentation en présentant les premiers résultats issus de l'analyse projective. Une attention particulière sera portée sur la figuration et la symbolisation du sexuel et de l'agressivité ; soit sur le traitement du pulsionnel dans ses deux versants. Nous proposons également d'interroger les spécificités de ces violences sexuelles qui se déploient dans l'espace virtuel, engageant – peut-être ? – un rapport singulier à l'image, au visuel.

Références

Chagnon, J.-Y. (2004). À propos des aménagements narcissico-pervers chez certains auteurs d'agressions sexuelles.: Étude de deux protocoles de Rorschach. Psychologie clinique et projective, n° 10(1), 147–186. https://doi.org/10.3917/pcp.010.0147

Giuily, C., & Verdon, B. (2018). Les processus identificatoires chez les auteurs de violences sexuelles: L'apport des planches gf et 17 bm au tat: Psychologie clinique et projective, n° 24(1), 243–264. https://doi.org/10.3917/pcp.024.0243

Gourlaouën-Couton, S. (2002). Etude métapsychologique et projective du fonctionnement psychique de pédophiles [These de doctorat, Paris 5]. https://theses.fr/2002PA05H047

Hajbi, M., & Loubeyre, J. (2011). La dynamique intrapsychique des sujets pédophiles. L'apport conjoint de la clinique et du test projectif Rorschach. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 169(8), 477–484. https://doi.org/10.1016/j.amp.2009.06.019

Le Bodic, C. (2019). Quelles sont les problématiques émergentes au cours de ces 20 dernières années, dues aux évolutions de la société et des technologies? L'exemple de la cyber-pédopornographie. Audition publique sur les auteurs de violences sexuelles, Fédération française des Centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles « Auteurs de violences sexuelles: Prévention, évaluation, prise en charge ». Rapports des experts et du groupe bibliographique. Violences sexuelles : définitions, évolutions, état des lieux, 1, 267-284 ,.

Neau, F. (2013). Épreuves projectives et agressions sexuelles: Contribution à l'approche du fonctionnement psychique de leurs auteurs: Le Carnet PSY, N° 170(3), 42–44. https://doi.org/10.3917/lcp.170.0042

Ravit, M. (2004). Le viol ou l'autre comme empreinte de soi: Psychologie clinique et projective, n° 10(1), 209–227. https://doi.org/10.3917/pcp.010.0209